Course dans le Désert

Major Grey, comme à son habitude, était assise sur son tank, une cigarette non allumée dans la bouche, fouillant ses poches à la recherche d'un briquet. Seagrove fronça les sourcils. Il ne l'avait jamais vue fumer et c'est pourtant ce qu'elle faisait, essayant de gagner la mauvaise habitude que beaucoup d'hommes sous son commandement avaient des difficultés à perdre. Les cigarettes étaient rares, en ce moment.

Il rattrapa la remorque sur laquelle son tank était placé, simplement en courant. Un autre problème – ils se déplaçaient bien trop lentement. Il avait l'espoir qu'ils allaient accélérer la cadence en atteignant la route. Sans un mot, il s'assit à côté d'elle et lui offrit son zippo. Elle le regarda avec surprise.

“Tu fumes, Josh ?”

Il sourit.

“Non. Mais comme mon vieux me l'a dit, il y a longtemps, un homme n'a besoin que de 3 choses pour courir le monde. Un stylo, un briquet et une boîte de capotes.”

Elle en cracha sa cigarette de rire, qui tomba directement dans la tourelle ouverte de son tank. On entendit un juron étouffé venant de l'intérieur : l'un des membres d'équipage de Gray vit la cigarette et crût qu'elle était allumée.

“Bon sang. Maintenant, tu me dois une clope,” dit-elle sur un ton bougon, mais la colère de sa voix n'atteignit jamais ses yeux bleus.

Ils restèrent assis, savourant le panorama de la campagne baignant dans l'odeur de terre typique d'une fin de printemps, appréciant mutuellement leur compagnie. Si on ferme les yeux, pensa-t-il, on ne pourrait pas croire qu'il y a une guerre qui se déroule en ce moment. Après quelques instants, elle rompit le silence.

“Tu penses que l'on va y arriver ?”

Bien que son visage n'avait pas changé d'expression, il sentit que, cette fois, sa question était très sérieuse.

“Bien sûr. Il y a toujours quelqu'un d'intéressé pour vendre quelque chose, à Istanbul. Et nous avons récupéré un gros paquet de crédits de Clayburn. Ce brave homme va payer nos frais de transport et le reste,” sourit-il.

Une tristesse profonde envahit son regard.

“Je t'ai déjà dit comment je suis arrivée en Europe, au départ ?”

Il leva ses sourcils et la regarda. Elle ne lui avait jamais parlé de son passé auparavant, et quiconque la connaissait savait qu'il ne valait mieux ne pas la questionner à ce sujet. La question était purement rhétorique, et ils le savaient tous les deux. Il y eut une autre longue pause, avant qu'elle poursuive. “J'avais 18 ans quand j'ai été envoyée là-bas. Mon Dieu, je ne peux pas croire que cela fait déjà plus d'une décennie”, soupira-t-elle.

“On a d'abord été envoyés à la base d'El Arish, en Afrique du Nord.”

Il fronça les sourcils.

“Jamais entendu parler.”

“Cela ne me surprend pas, j'imagine,” dit-elle avec un sourire triste. “Elle a été abandonnée peu de temps après mon passage. Mais tu n'aurais pas cru à l'activité qu'il y avait là-bas. “La grandeur des États-Unis, au sommet de leur puissance. Nous en étions tous très fiers. Puis tout cela partit en sucette.”

Il hocha la tête. Pour lui, le déclin des États-Unis était quelque chose qu'il avait vu à la télé, quelque chose qui pouvait se trouver dans les livres d'histoire, tout à la fin, au chapitre “chute d'un empire”. Pour elle, c'était un événement personnel. Un enchaînement d'événements qui remplissaient 2 décennies de sa vie, la déchirant comme seule peut le faire la lente destruction du pays dans lequel vous avez grandi et que vous avez aimé.

Après une autre brève pause, il sentit qu'elle était prête à parler davantage.

“Parle-moi d'El Arish.”