Entrée 46 - L’oasis
Nous avons bien progressé ce jour-là et nous avons estimé que nous atteindrions la zone cible en deux jours, trois au pire. Jim (qui semblait tout prendre à bras-le-corps) a suggéré de former un détachement de raiders, de leur donner les véhicules les plus rapides dont nous disposions - en réalité, c’était des buggies des sables armés - et de les envoyer en éclaireur pour occuper l'objectif en attendant l'arrivée de la force principale. Nous avons tout de suite rejeté l’idée. Qui sait ce qui pourrait arriver ? Et c'était la bonne décision, comme nous l'avons appris plus tard dans la nuit.
Au crépuscule, nous sommes entrés dans une oasis au milieu du désert. Elle était petite mais luxuriante et semblait grouiller de vie, une île faite de vert et de bleu au milieu d'une mer de sable. Nous avons dû nous dépêcher pour monter nos tentes, équipés de grands projecteurs conçus pour chasser même la nuit la plus noire.
Cette soirée était particulière. Les vétérans de l'expérience algérienne sont restés entre eux, prenant clairement leurs distances avec les "nouveaux", qui se sont comportés avec beaucoup plus d'insouciance qu'ils n'auraient dû. Gail et moi avons ressenti leur malaise et avons décidé de tripler les sentinelles et de leur donner notre meilleur équipement (y compris des caméras thermiques avancées) afin que personne ne soit pris au dépourvu. Nous avons passé la nuit blottis dans nos tentes. Après une journée passée dans la chaleur étouffante de l'automne, la nuit nous a semblé presque froide bien que les températures ne soient jamais descendues en dessous des 25 degrés. Et sèche aussi - chaque fois que nous buvions une gorgée d'eau fournie par les purificateurs mobiles, nous pouvions presque goûter au doux sable saharien, notre soif à peine étanchée.
Le premier signe indiquant que quelque chose n'allait pas s'est produit tôt dans la matinée. Après une nuit de sommeil léger, nos radios se sont mises à émettre un signal d'urgence destiné aux situations où la personne en détresse n'est pas en mesure de parler. Tout le camp s'est aussitôt mobilisé à la recherche de la source du signal ; et nous l'avons rapidement trouvée. L'un des groupes de gardes avait disparu. C'était le plus expérimenté, dirigé par Krause, un vétéran germano-américain connu pour son attitude ferme et ses yeux d'un bleu presque surnaturel.
Inquiets, nous nous sommes précipités vers la position qui leur avait été assignée. Tout leur équipement était là, abandonné. À première vue, on pouvait croire qu'ils s'étaient déshabillés avant de s’enfoncer dans le désert. Il n'y avait pas de traces dans le sable, mais c'était prévisible : en moins d'une heure la brise constante les aurait recouvertes.
Mais en y regardant de plus près... les vêtements bougeaient. Nous les avons encerclés, tout en gardant nos distances, aucun d’entre nous ne voulant s'approcher davantage. Simple précaution, au cas où ceux qui avaient dispersé nos troupes auraient laissé de mauvaises surprises derrière eux. Finalement, personne ne voulant prendre le risque, j'ai pris sur moi de le faire. Avançant lentement vers la pile de vêtements, je l'ai rapidement touchée avec un fusil. Le mouvement s'est arrêté une seconde, puis a repris. J'ai lentement déplacé les vêtements, couche après couche, avec la pointe de mon fusil jusqu'à ce que l'origine du mouvement devienne évidente.
Une ou deux douzaines de vers de quelques centimètres d'épaisseur se tortillaient sous les treillis vides. Dès que le soleil les a frappés, ils ont poussé un cri aigu et se sont aussitôt tournés vers moi.
Ce n'est pas leur présence qui m'a bouleversé au plus profond de mon être. Certes, ils étaient déjà répugnants d'eux-mêmes, leurs corps pâles et poilus me renvoyant d'une certaine manière aux souvenirs de mes pires cauchemars. Mais c'était surtout le fait que chacun de ces vers avait un œil humain à la place de la bouche, et qu'ils me fixaient tous. Deux douzaines d'yeux d'un bleu surnaturel.